LA BELLE ET LA BÊTE

Libretto

L'adaptation de Jean Cocteau pour le cinéma avec

Jean Marais et Josette Day dans les rôles principaux

DISC 2
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[8] LE MAGNIFIQUE APPARAIT
Dans la cour
FELICIE:
Entrez vite. Ici on risque pas d'être découverts.
ADELAIDE:
Naturellement, vous êtes en retard.
FELICIE:
Alors?
AVENANT:
Ma décision est prise. Je ne reculerai plus.
LUDOVIC:
Mais comment irons-nous chez la Bête?
FELICIE:
Vous n'avez pas pu appendre comment Belle voyage?
AVENANT:
Belle dit ce que la Bête lui fait dire. Mais elle reste muette là-dessus.
FELICIE:
Au diable. Je la tourmenterai jusqu'à ce qu'elle parle.
AVENANT:
Si vous la tourmentez, ne comptez plus sur moi. Qu'est-ce que c'est? Je vais voir. Un cheval blanc. Tout seul. C'est Le Magnifique, j'en suis sûr. Il a ouvert la barrière, il est entré dans la cour.
FELICIE:
C'est le ciel qui l'envoie.
LUDOVIC:
C'est l'enfer...
ADELAIDE:
J'ai peur!
FELICIE:
Oh, tais-toi, idiote! Avenant, ouvrez la porte et amenez le cheval.
LUDOVIC:
Que personne n'y aille!
AVENANT:
J'y vais, moi.
FELICIE:
La Bête l'envoie chercher la Belle. Avenant, c'est vous et Ludovic que le cheval emmènera.
LUDOVIC:
Tu en parles à ton aise.
FELICIE:
Es-tu un homme?
LUDOVIC:
Mais je voudrais t'y voir.
AVENANT:
Inutile de perdre une minute. Allez, hop, Ludovic, en croupe.
LUDOVIC:
Dieu nous garde!
FELICIE:
Vos arcs!
Un sac pend à la selle.
AVENANT:
Qu'est-ce qui me gêne?
FELICIE:
Un sac. Si c'était de l'or, je n'aurais qu'à le toucher pour qu'il se change en paille. Ouvrez-le.
ADELAIDE:
Un miroir!
FELICIE:
Ce qui veut dire: regardez une fille qui manque à ses promesses.
LUDOVIC:
La Bête n'est pas si bête que cela.
FELICIE:
Tenez, la clef. En route, et bonne chance.
AVENANT:
J'ai oublié la formule.
LUDOVIC:
C'est quelque chose comme... va, va, va.
FELICIE:
Si je devais ne compter que sur vous, nous serions propres. "Va où je vais, Le Magnifique, va, va, va".
AVENANT:
Va où je vais, Le Magnifique, va, va, va.
ADELAIDE:
Ludovic!
FELICIE:
Mais qu'est-ce que tu as?
ADELAIDE:
Si nous les envoyons à la mort?
FELICIE:
Tu es folle. Le miroir!
[9] LE MIROIR
Les deux sœurs rentrent dans la maison.
ADELAIDE:
Je ne me sens pas à mon aise.
FELICIE:
Dirigeant le miroir vers sa sœur

 

Regarde-toi, tu es verte.
ADELAIDE:
En effet, elle se voit sous les traits d'une vieillarde.

 

Oh!

 

A son tour, elle dirige le miroir vers sa sœur qui se voit sous les traits d'un singe.

 

Regarde.
FELICIE:
Oh!
ADELAIDE:
Qu'est-ce que tu vois?
FELICIE:
Rien.

 

Portons-le à Belle. Chacune son tour.

 

Elles entrent dans la chambre de Belle.

 

Mademoiselle s'habille en princesse dès qu'elle se croit seule dans sa chambre.
ADELAIDE:
Pour qui me prends-tu?
FELICIE:
Voilà un miroir qu'on a déposé à ton nom devant la porte. Il te montrera ce que doit devenir une belle pour plaire à une bête!
Belle tient le miroir et découvre l'image de la Bête qui semble souffrir intensément. Elle enfile le gant et se trouve transportée au château.
LA BELLE:
Oh! La clef! Oh, la clef! Où est la clef? Mon Dieu! Ma Bête! Ma Bête! Ma Bête! Ma Bête! Ma Bête!
Elle trouve la Bête gisant sur le sol.	

 

 Répondez-moi, ma Bête! Ma Bête! Ma Bête! Ma Bête! Ma Bête! pardon... Répondez-moi ma Bête... Regardez-moi! Votre gant vous fera vivre! Aidez-moi! C'était moi le monstre, ma Bête... Vous vivrez!
LA BETE:
Trop tard...
[10] LE PAVILLON
Ludovic et Avenant rôdent autour du pavillon.
LUDOVIC:
Nous y sommes?
AVENANT:
Nous y sommes. Il faut d'abord tuer la Bête.
LUDOVIC:
Nous la tuerons après. Tu as la clef? Arrête! Cette clef peut déclencher quelque méchant mécanisme. Méfions-nous.
AVENANT:
Exact, nous n'entrerons pas par la porte. Suis-moi. Grimpe! Allons, du courage. Naturellement, tu as peur.
LUDOVIC:
J'ai pas peur, je réfléchis.
AVENANT:
Alors, tu montes?
LUDOVIC:
Où sommes-nous?
AVENANT:
Sur les vitrages. Regarde!
Ils aperçoivent un trésor en bas du pavillon.	
LUDOVIC:
C'est fantastique! Et ça, qu'est-ce que c'est?
AVENANT:
Diane!
Pendant ce temps, la Belle s'efforce désespérément de raviver la Bête.	
LA BELLE:
Seriez-vous lâche. Je connais vos griffes puissantes. Accrochez-les dans la vie. Défendez-vous! Effrayez la mort.
LA BETE:
Belle, si j'étais un homme, sans doute je ferais les choses que vous me dites. Mais les pauvres bêtes qui veulent prouver leur amour ne savent que se coucher par terre et mourir.
Sur le toit du pavillon
AVENANT:
Je vais casser les carreaux.
LUDOVIC:
Non!
AVENANT:
Du verre c'est du verre. Tu me tiendras de toutes tes forces par les mains. Et je saute.
LUDOVIC:
C'est trop haut.
AVENANT:
Je saute!
LUDOVIC:
Et pour sortir le trésor?
AVENANT:
On se débrouillera. Le principal est d'être dans la place. Cale-toi bien. Empoigne-moi fort. Attends. Attends un peu! Tu me lâcheras quand je te le dirai...
La statue de Diane tire une flèche sur Avenant.

 

Oh!
Avenant se transforme en la Bête. Sa chute au sol lui est fatale. A cet instant précis, la Bête se transforme en prince charmant.
LA BELLE:	Où est la Bête?

[11] LA METAMORPHOSE
ARDENT:
La Bête n'est plus, c'était moi, Belle. Mes parents ne croyaient pas aux fées, elles les ont punis en ma personne. Je ne pouvais être sauvé que par un regard d'amour.
LA BELLE:
De pareils prodiges sont-ils possibles?
ARDENT:
Nous en sommes la preuve. L'amour peut faire qu'un homme devienne bête. L'amour peut faire aussi qu'un homme laid devienne beau. Qu'avez-vous, Belle? On dirait que vous regrettez ma laideur.
LA BELLE:
Ce n'est pas cela, Monseigneur, mais vous ressemblez à quelqu'un que j'ai connu.
ARDENT:
Qui donc?
LA BELLE:
L'ami de mon frère.
ARDENT:
Vous l'aimiez?
LA BELLE:
Oui.
ARDENT:
Le savait-il?
LA BELLE:
Non.
ARDENT:
Mais vous aimiez la Bête.
LA BELLE:
Oui!
ARDENT:
Vous êtes une drôle de petite fille, Belle... une drôle de petite fille.
LA BELLE:
Pour vous servir.
ARDENT:
Il vous déplaît que je ressemble à cet ami de votre frère?
LA BELLE:
Oui... Non.
ARDENT:
La première fois que je vous ai portée dans mes bras, j'étais la Bête. Vous êtes heureuse?
LA BELLE:
Il faudra que je m'habitue. Où me conduisez-vous?
ARDENT:
Dans mon royaume où vous serez une grande reine. Vous y retrouverez votre père, et vos sœurs porteront la traîne de votre robe.
LA BELLE:
Est-ce très loin?
ARDENT:
Nous y volerons dans les airs. Vous n'aurez pas peur?
LA BELLE:
J'aime avoir peur... avec vous!
ARDENT:
Belle! Je vous emporte. En route!
Ils s'envolent ensemble à travers les nuages.

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